par Maurice Gidon (1), avec la collaboration de G. LE HEGARAT
(2) et J. REMANE (3).
(1) Institut Dolomieu, Laboratoire de Géologie-Minéralogie-Pétrographie
de la Faculté des Sciences de Grenoble; Laboratoire de
Géologie alpine, associé au C.N.R.S.
(2) Département des Sciences de la terre de Lyon; Centre
de Paléontologie des invertébrés, associé
au C.N.R.S.
(3) Geologisch-Palaeontologisches Institut der Georg-August Universitat,
Gottingen (Allemagne fédérale).
La région faisant l'objet de la présente note
[Fig.1] correspond à la zone montagneuse
comprise entre le vallon de Lélia à l'ouest, les
Abîmes de Myans à l'est et Entremont-le-Vieux au
sud. Les résultats qui vont être exposés ont
été obtenus au cours d'une étude dont le
but initial était la rédaction de la feuille Montmélian
de la carte géologique de la France au 1/50 000. Il s'est
vite avéré au cours de ce travail que, si l'on pouvait
assez facilement distinguer, dans ce groupe montagneux du Joigny,
plusieurs ensembles lithologiques superposés et cartographiables,
par contre l'âge relatif de ces terrains et leur disposition
tectonique pouvaient prêter encore à de larges discussions.
Sur ce dernier point, I'hypothèse qui prévalait
[1] consistait à interpréter la succession lithologique
de la façon suivante (de bas en haut) :
- à la base, des calcaires à ciment, exploités
par les établissements Chiron, se terminant par un niveau
de calcaires spathiques ou oolithiques désignés
(depuis J. Revil) du nom de " calcaire grossier de Montagnole
" représenteraient le Berriasien;
- au-dessus, un ensemble essentiellement marneux, formant talus
au pied des crêtes du Pas de la Coche, du Pas de la Fosse,
de la Gorgeat et de la Drière, serait attribuable au Valanginien;
- la corniche calcaire dominant ce talus (" Gros bancs du
Pas de la Fosse "), qui se repère aisément
dans le paysage, depuis Chambéry même, a été
reconnue de longue date comme berriasienne; du fait de son pendage
conforme à celui des marnes sous-jacentes (attribuées
au Valanginien), on ne peut l'interpréter que comme le
cur d'un pli-couché (carte Chambéry au 1/80 000e,
deuxième édition) ou éventuellement comme
une lame tectonique chevauchante. Remarquons que le faciès
de ces calcaires berriasiens est notablement différent
de celui des couches berriasiennes des exploitations Chiron, ce
qui peut se comprendre en admettant que le chevauchement de cette
lame tectonique est d'une ampleur suffisante pour avoir permis
un changement latéral de faciès;
- la série monotone, essentiellement calcaire, qui surmonte
les gros bancs du Pas de la Fosse et forme principalement la partie
haute de la montagne de la Gorgeat (antécime nord du mont
Joigny) a vu son âge varier suivant les auteurs : J. Revil
l'attribuait au Valanginien en se basant sur des fossiles récoltés
à Charcosse et sur les pentes du Joigny. P. Gidon a montré
que, à peu de distance du sommet de la Lentille, elle livrait
encore des faunes d'âge berriasien : I'explication proposée
pour la récurrence berriasienne du Pas de la Fosse semblait
donc pouvoir être appliquée ici encore, d'autant
que ce dernier auteur observait et décrivait pour la première
fois, à l'intérieur de cette série de la
Gorgeat, des troncatures et biseautages de couches accompagnés
de bancs bréchoïdes; la 2e édition de la carte
géologique Chambéry au 1/80 000 traduit cette conception,
dans laquelle on voit des lames tectoniques, berriasiennes à
leur base, valanginiennes à leur sommet, se recouvrir à
plusieurs reprises.
Au début de mes recherches, qui remontent à un diplôme
d'études supérieures (Grenoble, inédit) effectué
en 1954, et qui abordaient ce secteur par son versant sud, à
partir de Saint-Pierre-d'Entremont, j'avais émis quelques
doutes sur la prolongation méridionale de cette structure
en écailles listriques, car je n'étais pas parvenu
à la déceler au sud du col du Granier. Par la suite,
mes nouveaux levés cartographiques m'amenèrent,
d'abord dans la haute vallée du Cozon, puis sur le versant
septentrional même du mont Joigny, à me demander
si la succession des couches que l'on y rencontrait ne correspondait
pas tout simplement à une séquence stratigraphique
normale, malgré la hauteur, à première vue
invraisemblable (plus de 700 m de dénivellation), à
laquelle on rencontrait encore des fossiles berriasiens au-dessus
des couches à ciment bien datées de cet étage.
Il fallait donc reprendre l'étude stratigraphique de ces
assises, en dépit de la grande difficulté d'y rencontrer
des faunes suffisantes (ce qui ressortait des recherches déjà
entreprises) : une tentative d'utilisation des microfaunes fut
faite en pratiquant des lavages dans les marnes sous-incombantes
aux gros bancs du Pas de la Fosse; elles livrèrent des
faunes néritiques peu utilisables à des fins stratigraphiques
puisque l'examen que voulut bien en faire M. Sigal concluait,
sur la considération essentielle des Trocholines incluses,
à un âge probablement hauterivien, qui paraissait
tout de même inacceptable. Délaissant donc l'étude
des niveaux marneux dont le caractère néritique
et finement graveleux paraît à peu près général,
je mis tous mes efforts à recueillir les plus médiocres
débris d'Ammonites et à prélever, aussi systématiquement
que compatible avec la forte épaisseur de la série
à étudier, des échantillons des faciès
calcaires les plus fins, dans l'espoir d'y rencontrer des microfaunes
utilisables : effectivement, de nombreuses lames minces révélèrent,
malgré la nature très généralement
calcarénitique ou pseudo-oolithique de leur pâte,
que ces calcaires contenaient, outre les Miliolidés, Algues,
Bryozoaires et autres organismes néritiques nettement prédominants,
une quantité non négligeable de Tintinnoidiens.
Les récoltes ainsi recueillies permettaient déjà
de donner au problème stratigraphique posé par le
Joigny une solution que j'ai brièvement exposée
ailleurs [2]; il faut dire que ce résultat n'aurait pas
pu être atteint il y a seulement une dizaine d'années.
En effet, nos connaissances sur les Ammonites et les Tintinnoïdiens
du Tithonique au Valanginien se sont beaucoup accrues, notamment
dans le sens biostratigraphique, grâce surtout aux travaux
effectués ces dernières années par MM. J.
Remane sur les Calpionelles [3] et G. Le Hégarat [4] sur
les Ammonites. Ces deux auteurs ont eu l'extrême amabilité
de bien vouloir examiner mes échantillons et de me communiquer
les précisions stratigraphiques (beaucoup plus fines que
celles auxquelles j'avais pu aboutir moi-même) que ces faunes
permettent de donner.
Ce sont les résultats nouveaux apportés par le fructueux
concours de ces deux spécialistes que je veux maintenant
exposer. Afin de donner aussi objectivement que possible les "
pièces du dossier " et compte tenu du fait que ce
secteur est fort proche de Chambéry (ce qui rend les précisions
topographiques plus intéressantes), je décrirai
d'abord sommairement les coupes les plus riches en renseignements
que j 'ai pu y parcourir (en situant au mieux les récoltes
dont je donne le résultat) [on trouvera plus loin, en figure 8, un tableau de coordination des faits
stratigraphiques (établi sur la base des renseignements
fournis par J. Remane et G. Le Hégarat) qui m'évitera
le recours à trop de périphrases au cours de ces
descriptions].
[Fig. 2. Dans cette figure, comme dans les
suivantes, les " gros bancs " sont marqués de
hachures; les bancs organo-détritiques grossiers d'une
ligne de points.]
De bas en haut :
1. Marno-calcaires bleutés évoquant de très
près les couches à ciment de Montagnole et englobant,
sur 10 m de haut, 3 bancs métriques d'un calcaire grossier
gris roussâtre à débris d'Huîtres.
2. Calcaires un peu marneux gris, lités, en bancs de 20
à 50 cm. Les bancs sont plutôt plus épais
au sommet et quelques-uns y montrent une pâte d'aspect sublithographique
: ils ont fourni une association de la zone B supérieure
(éch. 333).
3. Marnes franches à patine jaune, englobant, plutôt
vers la base, un banc de calcaire roux largement spathique à
débris d ' Huîtres.
4. Alternances de marnes et de bancs calcaires. Les bancs calcaires
inférieurs, assez massifs et durs, atteignent une puissance
de 1 à 3 m et ont une disposition lenticulaire avec discordances
d'un banc à l'autre : ils ont fourni également une
association de la zone B supérieure (éch. 336);
quelques mètres plus haut (éch. 335) les Calpionelles
sont les mêmes et on trouve en outre Neocomites aff.
subalpinus et des Berriasella spécifiquement
indéterminables : le cachet de cette macrofaune situerait
ces bancs aux alentours des niveaux 147 du stratotype.
Plus haut, les bancs calcaires deviennent minces, graveleux et
friables, isolés dans les marnes. Ils n'ont pas livré
de Calpionelles mais une Berriasella indiquant toujours un Berriasien
inférieur, ainsi que des Brachiopodes, Radioles d'Oursins,
Bryozoaires, petits Polypiers, etc. (éch. 339).
Encore plus haut, les bancs calcaires alternent plus équitablement
avec les zones marneuses et atteignent par endroits 0,5 à
1 m; ils sont le plus souvent un peu grenus, gris bleuté
en profondeur et roussâtres en surface. Ils ont livré
dans leur partie haute (éch. 337) des Calpionelles indiquant
la limite zone B/zone C, ainsi que Berriasella subcallisto
et B. berthei (forme évoluée aff. Obtusenodosa)
nous situant effectivement aux abords des bancs 150 du stratotype.
5. Sans aucune surface dé discontinuité et par l'intermédiaire
de bancs calcaires et marneux de 20 cm environ, régulièrement
alternés sur 10 m, on passe aux gros bancs du Pas de la
Fosse, au-delà desquels on ne peut plus suivre la coupe
sans courir des dangers excessifs (falaises de la Gorgeat).
Cette coupe, effectuée sur une dénivellation
stratigraphique d'une trentaine de mètres environ, le long
de la route N 512, m'a permis de constater que les calcaires massifs
des gros bancs du Pas de la Fosse sont, au microscope, finement
organo-détritiques (avec Milioles, plaquettes d'Échinodermes
etc.) dans la plupart des cas, et qu'ils hébergent des
Calpionelles indiquant, à la base (éch. 330) comme
au sommet (éch. 329), la zone C. Tous les autres prélèvements
effectués dans ces bancs, y compris dans la vallée
du Cozon, ont indiqué le même âge.
Il faut noter également :
- que l'on n'y observe nulle apparence de charnière anticlinale
couchée;
- que les bancs basaux ne paraissent pas pouvoir représenter
la répétition renversée des bancs sommitaux,
car tout au long de la falaise on trouve une succession de niveaux
reconnaissables par leur morphologie, caractéristique à
distance, comme par leurs successions lithologiques fines, observées
marteau en main, sans qu'aucune symétrie de ces couches
puisse être décelée entre la base et le sommet
de la falaise;
- que je n'ai pu, ni en ce point ni en aucun autre, trouver la
moindre trace de surface listrique à la base de la falaise.
La coupe, bien qu'assez couverte par la végétation,
est plus facile à parcourir sans hiatus d'observation que
celle du ravin de Charcosse (très abrupt). Elle débute
au pied est du pylône électrique du Pas de la Fosse
et est en ce point interrompue en direction du nord par le passage,
sous l'appui sud-est du pylône, d'une des " Failles
du Pas de la Fosse " [5].
[Fig. 3.]
De bas en haut :
1. Petits lits de marnocalcaires gris passant à des marno-calcaires
bleus feuilletés tendres et formant talus sur quelques
dizaines de mètres.
2. Ressaut de 5 à 10 m de bancs calcaréo-marneux
gris clair peu compacts, formant la " Pointe de l'Essor ".
Ce niveau semble être assez précisément celui
qui a livré le long de la route, à Charcosse, un
nucleus de Neocosmoceras sp.
3. Bancs calcaires gris grenus, finement organo-détritiques,
devenant roussâtres et passant vers le haut à un
banc de calcaire spathique roux : les Calpionelles, rares (éch.
376 a), indiquent la zone C ou la zone D (?).
Ce niveau est assez visible et constant et peut constituer un
niveau repère, situé environ 70 à 80 m au-dessus
du sommet des gros bancs du Pas de la Fosse; il semble bien que
c'est exactement ce niveau qui se retrouve, dénivelé
par les failles, sur l'échine entre le Pas de la Fosse
et la Pas de la Coche (points cotés 894 et 857 I G N, notamment).
4. Marnes bleues à patine blanche, puissantes d'une dizaine
de mètres; rares Calpionelles indiquant (éch. 376
c) la zone C ou la zone D (?).
5. Série monotone de calcaires gris en bancs plus ou moins
épais, avec ou sans passées marneuses (la plus importante
vers 1 180 m d'altitude). Tous les échantillons (377, 378,
379, 380, 381), jusqu'à l'échine subhorizontale
de la Lentille, indiquent le milieu de la zone D (la zone D inférieure
n'est pas représentée avec certitude dans mes documents,
mais il n'est pas certain que cela indique une lacune).
6. Après une petite passée marneuse affleurant mal
(sauf dans la face nord-ouest de la Gorgeat, très abrupte)
on trouve une succession régulière de bancs de 0,5
à 1 m de calcaire plus ou moins finement spathique ou grenu,
toujours assez franchement organo-détritique à Milioles,
etc. Les Calpionelles (éch. 382) y indiquent toujours la
zone D moyenne et ce sont ces bancs qui ont fourni à P.
Gidon : Neocosmoceras aff. curelense et plusieurs Berriasella
aff. boissieri (formes évoluées intermédiaires
avec B. rarefurcata), ces dernières nous situant
au sommet de la " faune principale " de Berrias.
Les derniers affleurements montrent des bancs calcaires grenus
et friables encore organo-détritiques (pseudo-oolitiques)
qui semblent alterner avec des marnes; les Calpionelles (éch.
383) indiquent la zone D très vraisemblablement supérieure.
La coupe est alors interrompue et ne reprend qu'aux calcaires
bicolores massifs (type Fontanil) du sommet du Joigny.
Des coupes montrant des successions lithologiques très
analogues peuvent également être relevées
sur l'arête Gorgeat-col du Midi et dans le versant ouest
du mont Joigny.
Le point de départ de cette coupe est stratigraphiquement
au même niveau que pour la précédente car
il correspond au sommet des abrupts franchis par le torrent du
Rousselet au " Saut de l'Ane ", abrupts dans lesquels
on reconnaît sans peine les gros bancs du Pas de la Fosse.
[fig. 4].
x - x' indique l'emplacement de la coupe représentée.]
1. Les premiers bancs, au sud des maisons du Sévert, appartiennent
encore (éch. 327) à la zone C. Ils sont suivis par
une zone montrant surtout des marnes à petits bancs marno-calcaires.
2. Entre le hameau nord du Sévert et celui des Arêtes,
se développe une série de bancs calcaires de 50
cm de moyenne, parfois de 1 à 3 m, avec entre-bancs plus
ou moins marneux. Ils ont livré des Calpionelles indiquant
la zone C (éch. 438 et 439) puis le passage C/D (éch.
449).
3. Au-dessus du hameau des Arêtes, on trouve presque uniquement
des alternances de marno-calcaires et de marnes datées
à la base de la zone D inférieure (éch. 440)
et au sommet, de façon imprécise, de la zone D (éch.
441).
4. Les derniers bancs observables avant que la coupe soit interrompue
par une faille consistent en une dalle de calcaires spathiques
bicolores bleu et roux qui repose sur des marnes et marno-calcaires
par un niveau localement disloqué (de façon comparable
à ce que l'on observe dans des slumpings très évolués).
Le calcaire roux a fourni (éch. 319) des microfaunes de
la zone D moyenne alors que les marno-calcaires sous-jacents (éch.
448) sont à rapporter au passage C/D, comme le sommet de
la formation 2; il y a donc lacune de la zone D inférieure
alors que celle-ci était représentée dans
la même coupe 500 m plus au sud-est. Il semble raisonnable
d'expliquer ces faits par une érosion ayant précédé
ou accompagné le dépôt de l'horizon organo-détritique
n° 4.
Cette coupe, la seule qui donne une observation claire du sommet
de la série, va du pont des Favières, sur la route
N 512, aux ressauts orientaux du sommet du mont Joigny.
[fig. 5].
On trouve de bas en haut :
1. Calcaires marneux gris, finement grenus et régulièrement
lités en bancs de 30 cm. Cette formation se poursuit vers
le bas
jusqu'en contrebas de la traversée du torrent par la route
Charcosse-Apremont.
2. Calcaires à pâte plus fine, en bancs métriques,
ayant livré à leur sommet (éch. 387) une
Berriasella sp. ind. et des Calpionelles indiquant la zone
D moyenne.
4. Au-delà et sur une petite centaine de mètres
se succèdent régulièrement des marnes litées
avec rares petits bancs un peu plus calcaires.
5. Enfin (alt. 1200), les marnes font place par un contact assez
brutal à des calcaires bicolores organo-détritiques
grenus ou spathiques qui représentent indubitablement la
base de la formation des " calcaires du Fontanil ".
Il semble probable que le niveau 3 de cette coupe soit celui qui
héberge, au nord-ouest du col du Granier, une grosse lentille
de calcaire organo-détritique graveleux qui n'a pas fourni
de Calpionelles mais dans lequel j'ai récolté un
gros échantillon de Thurmanniceras (?) sp. ind. et Nautilus
(Pseudocenoceras) berriasensis, Pictet (Détermination
de Mme M. CAPDEPON, Institut Dolomieu, Grenoble).
Les coupes naturelles de ce secteur permettent de situer dans
la série plusieurs gisements fossilifères à
Ammonites.
[Fig. 6. Z-Z indique l'emplacement de la coupe
représentée.]
On observe de bas en haut et du sud-ouest au nord-est :
a) dans le lit du torrent et sur sa rive gauche :
1. Alternances assez régulières de marnes et de
calcaires marneux en lits de 20 à 30 cm.
2. Calcaires assez durs à pâte gris-roussâtre,
en bancs de 0,5 à 1 m; au microscope, ils sont organo-détritiques
avec des Calpionelles qui indiquent la zone D inférieure
vers leurs base (éch. 434).
3. Alternances décimétriques de marno-calcaires
et marnes avec Berriasella sp. ind.
4. Bancs de calcaire dur, finement organodétritique, bicolore,
épais de 30 cm et puissants au total d'environ 5 m; ils
m'ont livré, outre des Calpionelles de la limite supérieure
de la zone D inférieure : Negreliceras subnegreli,
Berriasella cf. discrepans et Pecten euthymi, formes
qui se trouvent aux alentours des bancs 170 du stratotype;
b) en rive droite, le sommet des calcaires 2 contient des Calpionelles
de la zone D moyenne (éch. 431 et 433) : il apparaît
donc que ces couches correspondent à des niveaux plus élevés
que 3 et 4 et que ces derniers n'y sont pas observables sur cette
rive, soit par suite de leur suppression ou de leur non différenciation
lithologique, soit plus simplement du fait de conditions d'affleurement
moins favorables. Au-dessus, on trouve, de part et d'autre d'une
faille méridienne :
5. Lits décimétriques alternés de marno-calcaires
graveleux et de marnes rappelant beaucoup 3; ils ont livré
Berriasella sp. ind. cf. privasensis et des Calpionelles
de la zone D moyenne (éch. 432) ainsi que B. aff. rarefurcata
(éch. 320).
6. Marnes franches hébergeant des bancs isolés,
de 15 à 30 cm d'épaisseur, d'un calcaire finement
organo-détritique, roussâtre et à cassure
prismatique; il contient des Calpionelles de la zone D moyenne
et a livré surtout une belle faune d'Ammonites (éch.
322). J'ai recueilli une trentaine d'individus bien conservés
parmi lesquels prédominent les Berriasella aff. boissieri,
formes évoluées intermédiaires avec B.
rarefurcata, avec en outre : B. callisto, B. latecostata,
B. aff. rouvillei, B. aff. callisto et privasensis,
B. sp. nov., Leptotetragonites honnoratianus, Ptychophylloceras
ptychoïchum. Les bancs les plus élevés
(éch. 325) ont fourni les mêmes associations de Calpionelles
avec, en outre, un Neocomites sp. ind. Il s'agit là, sans
aucun doute, pour la première fois localisée et
trouvée en place, de la faune du gisement d'Apremont de
Revil et de Mazenot [6]. Cette faune comparée à
celle du stratotype de Berrias nous placerait dans la partie haute
de la " faune principale " c'est-à-dire aux abords
des bancs 195.
Une succession très comparable peut s'observer dans les
ravins abrupts qui descendent, plus au sud, du bois des Traverses
sur le ruisseau des Gargarottes. P. Gidon y avait recueilli de
mauvais exemplaires de Berriasella du groupe de privasensis
(déterminées malheureusement comme Thurmanniceras,
d'où attribution au Valanginien de ces affleurements sur
la carte géologique Chambéry au 1/80 000); j'y ai
ramassé dans la partie sommitale, outre Holcophylloceras
berriasense et Berriasella du groupe de privasensis,
des échantillons (n° 386) qui indiquent encore la zone
D moyenne.
Cette dernière coupe est prise au flanc sud de la montagne
du Joigny, entre le village supérieur d'Entremont-le-Vieux
(Plan Martin) et les prairies du col du Granier. C'est sans doute
la plus continue et la plus complète qui puisse être
observée mais, par suite essentiellement de conditions
peu favorables, elle ne m'a guère 1ivre de macrofaunes.
[Fig. 7.]
De bas en haut :
1. Calcaires sublithographiques rosés (Tithonique).
2. Marno-calcaires " à ciment " se terminant
par quelques bancs mieux lités, sectionnés en biseau.
3. Reposant en discordance angulaire sur les précédents,
bancs bien marqués de calcaires organodétritiques,
en prédominance spathiques et roux mais s'effilant et devenant
graveleux vers le sud (deux niveaux séparés par
un niveau marno-calcaire; épaisseur totale de 20 à
30 m). Cet affleurement a déjà été
étudié en détail (M. Gidon, D.E.S.; J. P.
Thieuloy [7]) et le biseau des couches qui en marque la base doit
être interprété comme résultant non
d'un phénomène tectonique mais d'un ravinement sous-marin
lors du dépôt.
4. Série homogène de marnocalcaires schistoïdes
bleus, à patine grise (jusqu'à la route Plan Martin-La
Réduire). Ces couches sont surmontées par 2 ou 3
bancs métriques de calcaire brunâtre sublithographique,
que l'on peut désigner du nom de " bancs blonds pseudotithoniques
". Ils contiennent des Calpionelles (éch. 457) qui
indiquent la zone B supérieure et reposent sur des bancs
assez disloqués sur une épaisseur de l'ordre du
mètre (slumping ?).
5. Marnes bleues à patine claire avec rares passées
de petits bancs marnocalcaires mal délimités ayant
fourni (éch. 458) des Calpionelles de la zone B supérieure
également.
Les " bancs blonds pseudotithoniques " sont marqués
de hachures serrées.
6. Marnes fortement interstratifiées de passées
formées, sur plusieurs mètres, de successions de
petits bancs (20 à 40 cm) de calcaires gris marneux à
débit prismatique; la passée la plus basse (éch.
459) a fourni des microfaunes indiquant le passage de la zone
B à la zone C.
7. Calcaire gris-bleu, finement grenu, lité en bancs de
0,3 à 1 m, assez mal délimités et formant
un ressaut assez marqué; au microscope, il est finement
organodétritique et montre des Calpionnelles de la zone
C (éch. 460).
8. Alternances régulières de petits bancs calcaires
décimétriques à patine jaune et de petits
lits marneux.
9. Reposant sur le précédent par un contact très
franc : banc massif de calcaire roux, fortement spathique.
10. Série monotone de bancs de calcaire marneux grenu gris,
épais de 20 à 30 cm, avec entre-bancs décimétriques
de marnes ou marnocalcaires feuilletés. Des échantillons
pris à différents niveaux inférieurs montrent
des faunes de Calpionelles de la zone C supérieure (éch.
462) à la base et de la zone D inférieure au milieu
(éch. 463).
Vers le haut de la formation (niveau du village des Pins) on trouve
un niveau de bancs disloqués recouverts par des alternances
décimétriques de marnes graveleuses et de calcaire
finement spathique roussâtre; les Calpionelles (éch.
464) indiquent la zone D probablement moyenne.
Au sommet (alt. 970) et sur 10 à 15 m s'observent des bancs
calcaires métriques, soit spathiques, soit à pâte
fine d'aspect sublithographique, qui forment un niveau-repère
pouvant se suivre dans toutes les pentes du versant de Tencovaz.
Ce nouveau niveau de " bancs blonds pseudotithoniques "
a fourni des Calpionelles (éch. 465) de la zone D moyenne.
11. Calcaires marneux lités en petits bancs, d'aspect peu
ou pas distinct de 10; une vingtaine de mètres au-dessus
du chemin allant de la Coche à la Ménardière,
on rencontre un dernier " banc blond " à pâte
fine, atteignant une puissance de 2 m et isolé au milieu
de bancs déjà plus marnocalcaires. Les Calpionelles
(éch. 468), comme celles de tous les autres échantillons,
appartiennent à la zone D moyenne.
12. La lithologie se modifie en atteignant les prairies de Pra-Prin
et les marnes deviennent progressivement prédominantes;
elles contiennent cependant des bancs, espacés de plusieurs
mètres et puissants de 20 à 50 cm, d'un calcaire
le plus souvent roux et à cassure prismatique; ils ont
livré des Calpionelles qui appartiennent toujours à
la zone D moyenne jusque très haut (éch. 469 à
472).
Les bancs les plus élevés (éch. 473 et 391),
bien que peu riches en Calpionelles, sont cependant vraisemblablement
à dater de la zone D supérieure. Ils m'ont livré
des Neocomites aff. neocomiensis et diverses autres formes
de cachet nettement valanginien.
Les faunes recueillies par W. Kilian et P. Reboul [8] proviennent
indubitablement de cette dernière formation mais ont sans
doute été récoltées à des niveaux
variés : une lame effectuée dans la gangue d'une
Kilianella déterminée K. retrocostata
par ces auteurs (éch. 391 b, n° VN 202 de la collection
Kilian) indique par exemple la zone D moyenne. L'examen des diverses
formes recueillies et décrites par ces auteurs fait d'ailleurs
apparaître une proportion notable de Berriaselles évoluées
que l'on rencontre au voisinage du niveau des bancs 198 du stratotype
et que les auteurs avaient attribuées soit à Neocomites
soit encore à Thurmanniceras. Encore que la révision
de cette faune soit en cours de la part de MM. Le Hegarat et Thieuloy,
on peut dès maintenant avancer qu'elle correspond à
un ensemble prélevé dans une succession lithologique
faisant transition entre le Berriasien supérieur et le
Valanginien basal. Ceci peut laisser espérer des précisions
biostratigraphiques très intéressantes sur la limite
entre ces deux étages, si de nouvelles récoltes,
suffisamment abondantes, permettent de mieux situer sur une succession
verticale les formes recueillies par les anciens auteurs.
La coupe se termine alors sous les éboulis garnissant le
flanc de la Pointe de la Bornée.
Il faut remarquer que les déterminations des zones de
Calpionelles donnent des résultats qui sont toujours en
accord avec l'ordre de succession des niveaux lithologiques, ce
qui est une remarquable confirmation de la grande valeur des résultats
biostratigraphiques que le spécialiste peut obtenir avec
ces organismes.
Les coupes A, B, C, et E reconstituent, mises bout à bout
une série, d'âge progressivement de plus en plus
jeune où n'apparaît aucune répétition
de couches de même âge à des niveaux différents
de la série; en particulier le Berriasien de Montagnole
est plus ancien que celui du Pas de la Fosse, lui-même plus
ancien que celui du sommet de la Gorgeat, contrairement à
l'interprétation précédemment exposée.
Dans l'ensemble les divers termes lithologiques de cette succession
se reconnaissent assez bien, (quoiqu'ils y soient plutôt
moins différenciés) dans les niveaux de même
âge de la coupe G. On aboutit ainsi à pouvoir subdiviser
la série stratigraphique du Joigny en plusieurs ensembles
lithologiques définis de la façon suivante [Fig. 8]:
Valanginien basal et Berriasien terminal = C6, G12 et
E2; F6
à la partie basse ?
Berriasien supérieur = C4-5 et C10-11; F6-5 et E1.
Berriasien médio-supérieur = C1-2, D3, F1-4,
G10-11.
Berriasien moyen (niveau repère des " gros
bancs ") = A5 et G7.
-94-
Berriasien médio-inférieur = A4 et G6, d'une
part, A3 et G5,
d'autre part et en dessous.
Berriasien inférieur = A1-2 et G2-4.
On notera, dans les coupes C et G, la présence d'un
niveau de calcaires organodétritiques grossiers, souvent
très spathiques (C3, G9) qui semble toujours localisé
à la partie haute du " berriasien médio-supérieur
". Je l'ai observé notamment sur l'arête Gorgeat-col
du Midi, près du sommet de la Lentille (mont Pellaz des
anciennes cartes) sous le passage de la Cochette et sur l'arête
sud du Montfred. Toutefois il faut dire que ce niveau est partout
lenticulaire, le faciès organodétritique grossier
ne persistant jamais sur une distance horizontale de plus de quelques
centaines de mètres. D'autre part le niveau G9 est le seul
dont l'âge soit pour l'instant assez bien connu (sommet
de la zone C) et il n'est donc pas encore possible de savoir si
ces bancs (si aisément repérables...) sont vraiment
homochrones.
Les coupes D et F nous présentent une succession de détail
des faciès qui montre d'ailleurs la vanité qu'il
y a à vouloir démêler la structure de cette
série en utilisant des bancs-repères définis
de façon seulement lithologique. Je relèverai en
particulier que, contrairement à ce que j'avais tout d'abord
supposé, le ressaut plus calcaire que recoupe le torrent
des Favières (niveaux F2-4) n'est pas la prolongation des
" gros bancs du Pas de la Fosse ", leurs âges
étant différents. Il paraît assez probable,
par contre, d'après le faciès et le cachet des faunes,
que les bancs F6 soient à peu de chose près l'équivalent
des bancs G12 (" gisement du col du Frêne ") malgré
l'opposition très tranchée entre l'âge berriasien
et l'âge valanginien respectifs de ces gisements, qui était
admis par les précédents auteurs. Je soulignerai
en outre que les coupes C, D et F nous révèlent
une variation notable des épaisseurs des assises correspondants
à la zone de Calpionelles D inférieure qui paraît
correspondre un peu partout à des remaniements sous-marins
(cf. niveau 464 de G10 ainsi que D4). Par contre, il est frappant
que la zone de Calpionelles D moyenne semble englober partout
une épaisseur d'assises supérieure à 200
m; ses limites ne coïncident d'ailleurs pas du tout avec
les limites lithologiques.
Le premier fait marquant qui se dégage de l'examen
des coupes est l'absence de redoublement attesté par la
stratigraphie : rien ne s'oppose nulle part à interpréter
la succession lithologique comme traduisant une superposition
stratigraphique normale. Au contraire, les précisions zonales
apportées montrent que les niveaux berriasiens que l'on
supposait répétés tectoniquement sont hétérochrones.
D'autre part, des couches biseautées ou bousculées
ont été notées en divers points; on en observe
également de très beaux exemples dans les falaises
septentrionales de la Gorgeat. Dans tous les cas que j'ai observés,
ces biseautages de couches m'ont paru d'origine stratigraphique
et dus :
- soit à des ravinements précédant l'arrivée
d'apports grossièrement organodétritiques,
- soit à des effilements correspondant à des terminaisons
lenticulaires de bancs, généralement organodétritiques
également.
En second lieu, la part attribuée jusqu'à
maintenant au Valanginien paraît fortement exagérée
et une grande partie des assises qui lui étaient rapportées
sont en réalités berriasiennes, notamment les niveaux
qui étaient interprétés comme du Valanginien
intercalé tectoniquement dans le Berriasien.
Un troisième point est l'importance revêtue
dans cette masse considérable de dépôts berriasiens
par les sédiments " organodétritiques "
depuis les calcaires spathiques à plaques d'Échinodermes
qui fournissent des niveaux-repères malheureusement peu
continus, jusqu'aux simples calcarénites en passant, cas
le plus fréquent, par les calcaires finement grenus ou
pseudo-oolithiques à Miliolidés, Bryozoaires et
Algues. Il me semble que ces faciès, qui s'intriquent dans
une séquence à tendance incontestablement marneuse,
indiquent des influences non seulement néritiques mais
même périrécifales; je mets ces faits en relation
avec la proximité des faciès récifaux jurassiens
qui s'observent non loin de là, plus à l'ouest,
dans le chaînon du mont Grêle et même déjà
dans le socle du mont Revard.
Les conditions de gisement des bancs organodétritiques
les plus grossiers suggèrent souvent, par le ravinement
ou les dislocations de couches qui marquent leur base, qu'il s'agissait
là d'apports brutaux effectués à la faveur
de courants capables d'éroder le fond sous-marin.
Un quatrième fait intéressant apporté
par cette étude est l'existence, dans ce secteur, d'une
séquence lithologique berriasienne dilatée, beaucoup
plus importante que celles connues jusqu'alors dans tout le sud-est
de la France, et apparemment à peu près dépourvue
de ces lacunes assez marquées que les études récentes
ont mis notamment en évidence dans les [séquences
vocontiennes : la coupe G lui accorde plus de 600 m et en coordonnant
les coupes A, B et C, on obtient plus de 750 m. Il est regrettable
que la rareté excessive des Ammonites et même la
rareté relative des Calpionelles ne permettent pas d'extraire
des coupes que j'ai étudiées autant de renseignements
biostratigraphiques que le développement de la série
aurait pu laisser souhaiter : on aurait alors pu y définir
avec profit un parastratotype de l'étage berriasien. L'intérêt
biostatigraphique de ce secteur paraît en tout cas très
grand pour l'étude du passage Berriasien-Valanginien.
Le tableau de la figure n° 8 résume les principaux
faits stratigraphiques exposés ici et les coordonne avec
ceux qui ressortent de l'étude du stratotype de Berrias
(Ardèche).
Il est intéressant de replacer dans cette succession les
niveaux étudiés par les auteurs antérieurs
: c'est ainsi que le gisement du col du Frêne de Kilian
et Reboul se trouve, comme nous l'avons vu, à la limite
entre Valanginien basal et Berriasien terminal; le gisement d'Apremont,
de Revil et Mazenot correspond au Berriasien supérieur
ou terminal [Il se situe donc plus haut dans la série que
ce que j'avais avancé dans ma note précitée
(2). Ceci est dû à la présence d'une faille,
qui m'avait échappé car elle est pratiquement inobservable,
et à la mise en parallèle, erronée, de deux
" niveaux repères " en réalité
hétérochrones (F 2 et A 5). Les conclusions de la
note en question ne s'en trouvent toutefois nullement modifiées]
; le gisement du Pas de la Fosse correspond à l'ensemble
du Berriasien moyen; les couches à ciment exploitées
sont en général dans le Berriasien inférieur
(Montagnole, ruisseau du Vard), plus rarement dans le Berriasien
médio-inférieur (Le Puisat, Pierre Grosse); le calcaire
grossier de Montagnole présente en réalité
plusieurs récurrences, deux (en général)
à la partie haute du Berriasien inférieur et plusieurs
autres à différents niveaux de la série (l'une
particulièrement fréquente se situant à la
partie haute du Berriasien médio-supérieur). Enfin,
la limite Berriasien - Tithonique est toujours très nette
et semble le plus souvent correspondre, comme aux environs de
Grenoble, à un "hard-ground ", ce qui amène
à penser que l'on ne connaît probablement pas ici
non plus le vrai Berriasien basal.
En dernier lieu les relations stratigraphiques horizontales de
ce secteur avec les régions avoisinantes posent encore
des problèmes dont la solution est seulement entrevue.
Ils ont trait aux variations de faciès et, plus encore,
d'épaisseurs manifestées par les assises néocomiennes,
principalement en direction du sud-est. I1 importe tout d'abord
de souligner que, contrairement à ce qui a été
souvent écrit, I'épaisseur du Berriasien (daté
par Ammonites) ne descend jamais, même aux environs de Grenoble,
au-dessous de 200 m. D'autre part, les faunes du sommet de la
formation calcaire rapportée à cet étage
n'ont jamais été examinées à la lumière
des études récentes de biostratigraphie et l'on
ignore, en fait, l'âge exact des différents niveaux
de marnes dites " valanginiennes " [dont l'âge
était en grande partie défini à partir des
faunes du col du Frêne, dont nous avons vu qu'elles sont
sans doute très basses dans cet étage].
Ces faits étant posés, il est remarquable qu'en
face de la série du mont Joigny, comportant 700 m de Berriasien
très calcaire et 100 m de marnes valanginiennes recouvertes
par les Calcaires du Fontanil, on trouve, dès Chapareillan
et le socle du Granier, 200 à 300 m seulement de Berriasien
calcaire et une épaisseur de marnes (du Valanginien inférieur)
qui atteint (et dépasse largement par places) 400 m. Ajoutons
que la base des Calcaires du Fontanil, au lieu de se marquer d'une
façon nette et brutale, présente, dès la
latitude de Barraux (Sainte-Marie-du-Mont) et plus encore entre
Saint-Pierre-d'Entremont et Saint-Pierre-de-Chartreuse, des couches
de transition formées de calcaires marneux, souvent graveleux
et généralement gris, évoquant beaucoup les
niveaux du Berriasien supérieur du Joigny. La question
est de savoir comment se fait le passage de l'une à l'autre
des séries stratigraphiques, les intermédiaires
observables étant pratiquement inexistants du fait de la
large bande des éboulement des Abîmes de Myans (sur
le versant est du col du Granier) et de l'abondance des éboulis
au flanc ouest du Granier et de l'Alpette (sur son autre versant).
On peut imaginer en fait 4 solutions :
a) les épaisseurs des différents niveaux berriasiens
s'amenuisent en même temps que celles des strates du Valanginien
s'accroissent vers le sud-est;
b) le " Valanginien inférieur " marneux se gonfle
vers le sud-est à la fois par épaississement des
strates et par invasion du faciès marneux dans le sommet
du Berriasien;
c) les marnes se gonflent en épaisseur et reposent sur
un Berriasien dont le sommet manque par lacune;
d) les marnes sont incomplètes à leur sommet (par
lacune) sous le Joigny, et se complètent au sud-est vers
le haut tout en envahissant vers le bas le Berriasien.
Dans l'état actuel de mes recherches la dernière
solution parait la plus probable (fig. 9) et ceci sur la base des arguments
suivants :
1) Comme je l'ai dit, le contact des calcaires du Fontanil sur
les marnes évoque au nord-ouest (Joigny) une reprise de
sédimentation après lacune et, au sud-est, une continuité
de sédimentation avec augmentation progressive des apports
calcaires et de leur grossièreté.
2) L'étude du secteur du Joigny lui-même et les tentatives
de corrélations entre les diverses coupes montrent que
du nord-ouest au sud-est les lits calcaires tendent à disparaître
ou à se montrer moins organodétritiques : par exemple
les niveaux 3 de la coupe C ne se retrouvent pas dans la coupe
D, les " gros bancs du Pas de la Fosse " que l'on trouve
dans les coupes A, B, C et D ne peuvent plus se reconnaître
lithologiquement avec certitude dans la coupe G et sont totalement
irrepérables au sud-est du Granier, envahis comme ils le
sont par des intrications plus marneuses.
3) La lithologie de la série berriasienne, de Chapareillan
à Sainte-Marie-du-Mont, se caractérise essentiellement
par l'existence de deux zones plus calcaires qui semblent probablement
correspondre respectivement à celle du sommet du Berriasien
inférieur pour la plus basse et à celle du Berriasien
moyen pour la plus haute. Au-dessus, les marnes, presque démunies
de toutes passées calcaires à Sainte-Marie-du-Mont,
se montrent au contraire très interstratifiées de
petits bancs marnocalcaires graveleux dans les pentes nord-est
du Granier (arrachements de la Grande Côte) : je suis tenté
de voir dans ces observations des témoignages plaidant
en faveur d'une disparition, par " dissolution " dans
les marnes, des bancs calcaires du Berriasien médio-supérieur
et supérieur du Joigny.
4) En deux points, à Belle-Chambre (commune de Sainte-Marie-du-Mont)
et aux grands Crêts de l'Emeindras (commune du Sappey, feuille
Domène au 1/50 000), les assises les plus hautes des calcaires
berriasiens (à pâte fine) m'ont livré Dalmasiceras
punctatum. Or cette Ammonite ne s'élèverait
pas au-dessus du Berriasien moyen. D'autre part, l'échantillon
de l'Emeindras m'a fourni en lame mince (n° 401) des Calpionelles
qui indiquent très vraisemblablement le passage de la zone
C à la zone D, ce qui confirmerait que les couches terminales
du Berriasien ne sont probablement pas représentées
sur le bord subalpin à l'intérieur de la série
sous-jacente aux marnes.
En définitive, l'échelle stratigraphique du Néocomien
inférieur de la Chartreuse méritait donc une sérieuse
révision. I1 s'avère que le Mont Joigny présente
dans l'ensemble une série stratigraphique normale et continue,
affectée tout au plus d'ondulations, de failles et peut-être
de chevauchements locaux mais rares et de faible ampleur. Le Berriasien
présente dans ce massif une puissance exceptionnelle, inconnue
ailleurs, et se trouve probablement envahi à sa partie
sommitale (sauf dans le secteur du Joigny où il subit des
influences jurassiennes) par les faciès marneux dénommés
antérieurement " marnes valanginiennes " ("
marnes de Narbonne ", dans la région de Grenoble).
C'est là un très bel exemple d'hétérochronisme,
relatif à une surface de changement de faciès, mais
aussi de ce que peuvent apporter, tant sur le plan stratigraphique
que sur le plan tectonique, les études biostratigraphiques
fines.
[1] GIDON P.-Structure géologique du groupe " Mont
de Joigny-Mont Granier " en Grande Chartreuse septentrionale
(Savoie). C. R. Acad. Sci., t. CCXXXIII, p. 809-811. 1951.
[2] GIDON M.-Sur une anomalie stratigraphique remarquable, à
l'extrémité septentrionale du Massif de la Chartreuse
(environs de Chambéry, Savoie). C. R. Acad. Sci., t. CCLXIV,
série D, pp. 548-551. 1967.
[3] REMANE J.-Les Calpionelles dans les couches de passage jurassique-crétacé
de la fosse vocontienne. Trav. Lab. Géol. Grenoble, 1965;
Neubearbeitung der Gattung Calpionellopsis. N. Jb. Geol. Palaonl.
abh., 122, 1, 27-49, Stuttgart. 1963.
[4] LE HEGARAT G. - Le stratotype du Berriasien, stratigraphie
et macrofaune. Mém. B.R.G.M., n° 34, pp. 9-16. 1963.
[5] GIDON M. Vues nouvelles sur la géologie de la Chartreuse
septentrionale et de l'extrémité sud des Bauges.
Ann. Centre d'Ens. sup. de Chambéry, t. II, pp. 7-25. 1964.
[6] MAZENOT G. /- Les Palaehoplitidae tithoniques et berriasiens
du sud-est de la France. Mém. Soc. géol. Fr. 1939.
[7] THIEULOY J. P.-Sur quelques exemples d'accidents de stratification
dans le Néocomien du Massif de la Grande Chartreuse. C.
R. Soc. géol. Fr., 1965, p. 15. 1965.
[8] KILIAN W. et REBOUL P.-Sur la faune du Valanginien moyen du
Col du Frêne (Savoie). Ass. franç. Sci., Congrès
de Tunis, 1913.
[9] GIDON M.-Nouvelle contribution à l'étude du
Massif de la Grande Chartreuse et de ses relations avec les régions
avoisinantes. Trav. Lab. Géol. Grenoble, t. XI., pp. 187-205.
1964.