156 - Eclogae geol. Helv., Vol.85/2, p. 327-359.

Relations entre le charriage de la Nappe de Digne et la structure de son autochtone dans la vallée du Bès (Alpes de Haute-Provence, France).

The influence of the Digne thrust emplacement upon the autochtonous structures of the Bès valley (Southern subalpine ranges, France).

par Maurice GIDON* et Jean Louis PAIRIS*

* Université scientifique technologique et médicale de Grenoble, Institut Dolomieu, 15 rue M.Gignoux, 38031 Grenoble cedex.


Table des matières :

1/ Introduction

2/ Schéma structural et chronologie des déformations

a) Le contexte régional de la demi-fenêtre de Barles.

1 - Les secteurs plus septentrionaux

2 - La demi-fenêtre de Barles

b) Les données sur la chronologie de la déformation.

1 - Chronologie du charriage.

2 - Plissement de l'autochtone

3 - Déformation de la marge nord-est du bassin de Valensole

c) L'extension et les limites de l'Unité de Chine

d) La géométrie de la nappe à la limite N de la demi-fenêtre de Barles.

3/ Les déformations de l'autochtone proprement dit.

a) Les structures d'entraînement de la rive gauche du Bès

b) Les Déformations de détail enregistrées par les grands plis régionaux.

c) Les Déformations d'ensemblees grands plis régionaux.

4/ Le rôle du charriage dans la structuration de l'Unité de Chine

a) Le concept de l'"Unité de Turriers"

b) Le chevauchement de l'Unité de Chine

c) L'interruption, vers le NW, du chevauchement de l'Unité de Chine

d) Le renversement de la série de Chine

5/ L'origine des ondulations de la nappe

a) La "synforme de La Robine"

b) L'antiforme de Barles

1 - L'inflexion d'Esclangon

2 - L'inflexion de Barles.

6/ Conclusions

a) Chronologie des épisodes tectonosédimentaires

b) Géométrie structurale

c) Déroulement des déformations


RÉSUMÉ : Les déformations liées au charriage de la nappe de Digne sont mises en évidence et analysées dans la coupe classique de la vallée du Bès. Les structures directement induites par le passage de cette nappe n'intéressent qu'une tranche d'épaisseur hectométrique sous la surface de charriage et consistent en plis mineurs et en fractures soit extensives (de type Riedel 1) soit coulissantes. Elles ne comportent pratiquement pas d'imbrications compressives. Le charriage a été précédé en outre, au cours de la sédimentation miocène, par une déformation générale consistant surtout en un cisaillement tangentiel affectant la tranche supérieure de l'autochtone : les plis préexistants ont été rabattus vers le S et les marges du bassin de Valensole se sont renversées dans le bassin avant l'arrivée de la nappe. Dans la nappe comme dans l'autochtone des déchirures de coulissement décakilométriques ont joué un rôle non négligeable pendant ces déformations. L'antiforme de la demi-fenêtre de Barles semble résulter du cumul des déformations préalables au charriage et de celles que ce dernier a induites à ses différentes étapes, plutôt qu'à un plissement franchement postérieur.

Du point de vue cinématique et chronologique on est conduit : 1) à rejeter la notion de "phase aquitanienne" précédemment admise ; 2) à mettre en évidence le caractère progressif des déformations, qui n'ont abouti au charriage de la nappe de Digne qu'après une étape préparatoire qui a duré pendant presque tout le Miocène ; 3) à montrer que, si une interruption des déformations est peut-être intervenue à la fin du Pliocène, elle n'a pas précédé l'étape principale du charriage de la nappe de Digne.


ABSTRACT : The Digne thrust is the most prominent structure in the French Southern Subalpine Chain. It is known as a good example of a thrust-sheet partly emplaced by open-air gliding along a sole of gypsiferous Triassic beds. It has been believed that during its emplacement no deformation occurred inside the foreland. We show here that, on the contrary, it induced several kinds of structures, which developped at the expense of previous post-oligocene folds and faults.

The most recent structures appear as due to the thrusting, as they are developped only within a two hundred meters thick zone, beneath the nappe's sole and because they are all South-verging and cross-cutting pre-existing large regional folds. They consist mainly in minor folds, ten to hundred meters wide, and faults with very low angle dip, interpreted as "Riedel 1 faults". No horses nor compressional duplexes are observed.

A previous step of deformation is also documented. It consisted in a strong horizontal tightening of the cover, which characterises the Barles half-window with respect to the more western Valavoire thrust plate. This was favoured by a dextral motion, contemporaneous with the Digne thrust first motion, along the "Monges fault". This first deformation was followed or, more likely, combined with a tangential shear, acting a few hundred meters above the Bès valley level. Their effect was a southward overturning of the upper part of every fold, particularly of the Chine series and of the northern margin of the Valensole neogene basin which was progressively turned into a wide recumbent fold during the deposition of the Miocene sequences, until the very nappe's first emplacement occurred. These movements could therefore be considered as preliminary ones in a progressive phenomenon which began as early as the lower Miocene and ended during upper Miocene with the nappe's decollement and emplacement.

The thrust surface shows only one bend, which is the Barles's half-window antiforme. It is proposed that this formed mainly before the nappe's emplacement and was accentuated by late, mainly pliocene, compressions (as a consequence of shortening below the thrust), instead of resulting from a Quaternary folding stage.

On the other hand, two previously distinguished steps of the tectonic evolution of this region, the "Aquitanian phase" of folding and the "residual basin" stage (which was supposed to have occurred, before the nappe emplacement, by infilling of erosional depressions inside the Valensole basin area at the end of pliocene times) have not been confirmed in the studied area.


 

 

Fig.1 - Cartes de situation : à gauche place du secteur étudié dans les chaînes subalpines ; à droite localisation des principales figures par rapport au cadre structural.

 

Fig.2 - Carte simplifiée de la nappe de Digne et de son avant-pays, entre la Durance et la marge N du bassin de Valensole.

Cette carte montre le contexte structural des secteurs situés au N et à l'W de la région étudiée et le partage de la nappe en plusieurs lobes. Au S des limites de la carte (fig.3) le "lobe principal" est de nouveau partagé, par la faille du Bès, en un lobe de La Robine et un lobe de Cousson [GIDON & PAIRIS, 1988]. Suivant l'acception commune, on a attribué à la nappe de Digne les seules unités caractérisées par leur série Lias-Dogger hémipélagique épaisse.

L'écaille de Valavoire est notamment une entité bien individualisée par ses séries Lias-Dogger réduites et par les accidents qui la limitent de toutes part. Toutefois ses limites, vis-à-vis de la nappe, ne sont pas constituées par une surface de charriage mais par des failles coulissantes majeures, la faille du Grand Vallon au NW et celle de La Frayssinie à l'E. L'une comme l'autre se perdent vers le N, dans le corps de la série épaisse, en délimitant, autour de Bréziers, une zone de hiatus dans le charriage. L'amortissement de ces failles vers le N résulte partiellement de l'annulation réciproque de leurs rejets, de sens opposés, par suite de la convergence de leurs tracés. Le reste du rejet dextre est absorbé par un cisaillement continu qui s'exprime par la torsion dans le sens horaire des couches de la série épaisse à l'E de Remollon, déformation qui est d'ailleurs à l'origine de la forme remarquable du "Dôme de Remollon" [GIDON, 1985].

La partie SE de l'écaille de Valavoire est séparée de la demi-fenêtre de Barles par l'accident des Monges, comme elle l'est plus au N vis-à-vis du lobe principal de la nappe par la faille de la Frayssinie : les tiretés font apparaître la vraisemblance d'une connexion originelle, actuellement masquée sous la nappe, de ces deux accidents (voir le texte).

A leurs extrémités respectivement SW et S la faille du Grand Vallon et celle de La Frayssinie se raccordent progressivement au chevauchement de la nappe : elles ont donc, l'une comme l'autre, valeur de rampes latérales, à vrai dire plus ou moins obliques au mouvement d'ensemble (et ont d'ailleurs autorisé une certaine divergence dans le déplacement des lobes de la nappe).

La composante transpressive due à cette obliquité du mouvement de est à l'origine d'un "débordement", symbolisé par des flèches incurvées, de la marge W du lobe principal de la nappe par dessus le bord de l'écaille de Valavoire.

La klippe du Cerveau est désignée par un astérisque et celle de l'Aubrespin par la lettre A fléchée.

 

 

 

Fig.3 - Schéma structural de la demi-fenêtre de Barles et de ses alentours (Les tracés AA et BB sont ceux des deux coupes de la fig.5).

AV = anticlinal des Clues de Verdaches ; SS = synclinal des Sauvans (prolongement E de celui d'Esparron = SEs) ; AC = anticlinal de la Grande Cloche (prolongement ou relais oriental de celui des Monges = AM) ; ST = synclinal du Pas de Terre Rouge (prolongement ou relais oriental de celui de Feissal = SF) ; AP = anticlinal du Pérouré (= anticlinal de la Maurière [GIDON, 1982 et 1989]) ; SA = synclinal d'Auribeau (= pli du vélodrome [GIGOT et al., 1974a]) ; SE = Synclinal d'Esclangon (d'axe NE-SW).

La différence d'espacement des plis, de part et d'autre du faisceau de failles de l'accident des Monges, est nettement perceptible. Elle témoigne du raccourcissement beaucoup plus important qui a affecté l'autochtone dans la demi-fenêtre de Barles, c'est à dire dans le secteur où il a été recouvert par la nappe.

Les limites adoptées pour l'unité de Chine et pour le tracé de la base de la nappe au N de Barles sont différentes de celles indiquées par le schéma structural de la carte LA JAVIE (commentaires dans le texte).

 

 

Fig.4 - Tectonogramme schématique montrant la disposition de la dalle liasique de la nappe de Digne, autour de la demi-fenêtre de Barles.

Remarquer la disjonction, par la faille du Bès, entre la masse principale de la nappe (="Lobe de Cousson" [GIDON & PAIRIS, 1988]) et le Lobe de La Robine. Ce dernier a été moins entraîné vers le S lors des derniers mouvements de la nappe.

Le détail de la géométrie de l'autochtone, dans le secteur de l'inflexion d'Esclangon, est illustré par les fig.6 et 7.

 

 

 

Fig.5 - Deux coupes synthétiques simplifiées, en rive droite de la vallée du Bès.

A : coupe de l'écaille de Valavoire, à l'ouest de l'accident des Monges.

B : coupe de la demi-fenêtre de Barles, à l'est de l'accident des Monges.

Les éléments structuraux sont désignés par les mêmes symboles que sur la fig.3 et leurs correspondances éventuelles sont indiquées sous la coupe A. La localisation des coupes est indiquée en figures 1 et 3.

Noter la différence de style entre les plis très ouverts de l'écaille de Valavoire et ceux de la demi-fenêtre de Barles, très serrés et basculés vers le S dans leurs parties hautes. Le gros pointillé subhorizontal indique le plan axial de la charnière de renversement qui reploie tous les grands plis postoligocènes et en déverse les parties hautes vers le sud (c'est aussi ce pli qui détermine le renversement du flanc nord du synclinal d'Auribeau).

 

 

 

Fig.6 - Schéma des rapports géométriques tectono-sédimentaires visibles dans le Miocène de la coupe du Bès.

Le dessin tient compte de la géométrie visible aux différents niveaux des pentes de la rive droite du Bès (les parties encore plus hautes, situées plus à l'W, sont représentées en fig.10B). Dans la "formation olistolitique" les olistolites sont représentés de façon purement symbolique, avec un même figuré de hachures verticales, quelle que soit la nature de leur matériel constitutif (il s'agit le plus souvent de Tithonique garni d'enduits de brèches continentales (voir PAIRIS & GIDON, 1987).

On remarque que les discordances intraformationnelles sont de sens opposé entre le coté N et le coté S de la coupe.

Le basculement progressif, vers le sud, du plan axial du synclinal d'Auribeau est très clairement observable sur le terrain. Il correspond au fonctionnement de la charnière de renversement qui affecte aussi tous les plis situés plus au nord (fig.5) : les biseaux de strates montrent bien que la formation de ce pli couché est synsédimentaire du dépôt de la formation de Valensole.

On remarque aussi que ce renversement fait passer très progressivement à la disposition couchée des crochons d'entraînement de la lame de La Fubi : cela tend à indiquer que son arrivée s'est faite dans la continuité de la déformation, dont elle est ici l'évènement final.

 

 

 

Fig.7 - Tectonogramme schématique de la terminaison orientale du synclinal d'Auribeau (le "vélodrome"), aux abords d'Esclangon.

La géométrie représentée, en synclinal annulaire, est celle des couches du Miocène inférieur (voir la fig.6 pour leurs rapports avec les terrains plus récents). On a également indiqué la forme de la surface basale de la nappe (ø, voir aussi la fig.4) : elle est concentrique avec celle de l'antiforme renversée du Serre d'Esclangon, pourtant antérieure au dépôt des couches de Valensole (fig.6).

P1, P2, P3 désignent respectivement les plans axiaux du synclinal d'Esclangon (précoce), du synclinal d'Auribeau et de l'anticlinal du Martelet (plus tardifs).

 

 

 

Fig.8 - Structure de la rive gauche du Bès, à l'E de Barles (coupe passant peu à l'W du Pas de Blayeul) :

Cette coupe montre en premier lieu la position du complexe chaotique de Barles, la forme de la surface de charriage de la nappe et les plis d'axe N60°, déversés voire couchés vers le NW que dessinent les couches de la nappe.

Dans l'unité de Chine le renversement de la succession liasique "enroule" des plis mineurs antérieurs à vergence nord (ce qui conduit à y voir le flanc sud d'un ancien "anticlinal de Chine"). Le flanc renversé est affecté par des failles à pendage S qui ont les caractères de "Riedels de la nappe" (mais ont été reprises au quaternaire comme surfaces de détachement de paquets tassés). On notera également la situation des brèches à ciment cargneulique, attribuées par GIGOT et al (1974) à un épisode d'érosion antérieur au charriage.

 

 

Fig.9 - Coupe du versant sud-ouest de la crête de Blayeul, entre la Colle du Chateau et les ruines d'Esclangon (explications dans le texte).

Un certain nombre de détails structuraux significatifs sont dessinés agrandis dans la moitié inférieure de la figure. Ils sont désignés sur la coupe d'ensemble par des lettres majuscules cerclées :

A et C montrent des plis d'entraînement affectant la série renversée de l'unité intermédiaire ; B, C et E montrent l'étirement discontinu (par tronçonnement) de cette unité ; B et D montrent des plis post-oligocènes antérieurs au renversement de cette unité (seul l'affleurement B a été représenté); E montre un pli d'entraînement dans la série autochtone à l'endroit (il admet également comme plan axiale la schistosité S2).

ø désigne la base de l'Unité intermédiaire (U.I.) et Ø celle de la nappe. S2 désigne la schistosité associée au cisaillement déterminé par le charriage et fR les failles de Riedel induites dans l'Unité intermédiaire et dans le sommet de l'autochtone proprement dit.

 

 

 

Fig.10 - Deux coupes de la demi-fenêtre de Barles, montrant des détails de sa structure en rive droite du Bès :

A/ Partie nord : Crête Chine - Petite Cloche.
Comme sur la rive gauche du Bès (fig.8), le Dogger de l'unité de Chine présente plusieurs plis décamétriques qui sont enroulés (ainsi que leur schistosité plan-axiale) par l'antiforme qui renverse la dalle liasique de cette unité. Remis en position antérieure au renversement ils révèlent un déversement originel vers le nord. Cela montre bien que le renversement s'est superposé à une première étape de plissement dans laquelle la série de Chine représentait le flanc N d'un synclinal (en l'occurrence celui des Sauvans et d'Esparron) qui n'était initialement nullement déversé vers le S. Ces plis sont vraisemblablement post-oligocènes si l'on se réfère à la fig.9B.

L'astérisque désigne le pli d'entraînement à vergence S affectant le Lias renversé de Chine.

 

B/ Partie sud : Crête Grande Cloche-Coustagne (flanc N du synclinal d'Auribeau).
Noter les failles, à caractères de "Riedels de la nappe", qui découpent le Miocène de la Pousterle et sont à l'origine du détachement de la lame de La Fubi et de la Coustagne.

On a noté par "CR" quelques points jalonnant le passage de la charnière de renversement affectant toute les structures de la vallée du Bès (cf. fig.5 et fig.6).

 

 

 

Fig.11 - Coupe de détail sur la crête de rive droite du Bès (versant de Lambert), montrant la géométrie des plis de second ordre, anté-miocènes, qui accidentent le flanc sud de l'anticlinal de la Maurière. Ces plis (P1), d'abord renversés avec le Miocène du flanc N du synclinal d'Auribeau, ont été ensuite déformés par un cisaillement très tangentiel qui croît vers le haut. Ce cisaillement tardif crée des charnières P2 et de petits chevauchements ?2. On peut y voir soit des effets du cisaillement général ayant préludé à l'avancée de la nappe soit, plus probablement, des ébauches avortées d'imbrications compressives, dues à un entraînement direct sous la nappe (dont la base ne devait effectivement pas être très loin au dessus).

 

 

 

Fig.12 - Croquis de la coupe naturelle du versant SE de la Grande Cloche. Noter le renversement, vers le S, du flanc sud de cet anticlinal et des plis secondaires qui l'affectent. Les failles plates post-oligocènes, à vergence S, qui affectent l'anticlinal sont comparables à celles de la fig.11. Ici elles sont sans doute plutôt associées au cisaillement responsable du renversement global des plis car on en rencontre encore plus bas, notamment, dans le même flanc de pli, au sommet de l'épaulement rocheux des Clues de Barles.

 

 

 

Fig.13 - Croquis de la coupe naturelle du versant SE de la Petite Cloche, montrant le chevauchement de l'unité de Chine et l'une des failles attribuées à des "Riedels de la nappe".

 

 

 

Fig.14 - Schéma d'ensemble de la mise en place de la nappe de Digne (dans le lobe principal) :

 

Aucun des détails structuraux, tels que plis et failles de la nappe et de l'autochtone (notamment ceux de la fig.8), ne sont représentés sur ces coupes, très schématiques. Celles-ci sont uniquement destinées à montrer la position relative des deux rampes, d'une part lors du détachement de la tranche supérieure de la nappe (coupe 1), d'autre part à la fin de son étape de charriage miocène (coupe 2).

Dans les niveaux post-triasiques le détachement frontal de la nappe s'est opéré par une "rampe superficielle" qui s'est localisée dans le domaine du maximum de réduction de l'épaisseur du Lias (50 m au lieu de plus de 1000 m dans le domaine dauphinois, plus septentrional). Les ondulations figurées en avant de cette rampe symbolisent la tectonique plicative (aux dépens de plis préexistants, non représentés), qui à préludé au détachement du front de la nappe.

Entre Barles et Digne, sur environ 20 km, la surface de chevauchement emprunte un "plat" qui suit les niveaux gypsifères du Keuper avant de se raccorder à une "rampe profonde" traversant les niveaux anté-Keuper. De cette dernière on ne voit que le bord sud, qui s'est avancé jusqu'aux confins nord de la demi-fenêtre de Barles.

 

 

 

Fig.15 - Schéma récapitulatif de l'évolution des structures dans la demi-fenêtre de Barles, en liaison avec la mise en place de la nappe.

A/ Dès le début du Miocène (voire même dès la fin de l'Oligocène) un raccourcissement NNE-SSW a créé des plis qui reprennent largement des plis anté-oligocènes. A ce stade l'unité de Chine représente alors le flanc S, encore non renversé, d'un anticlinal qui jouxtait du côté N le synclinal des Sauvans et d'Esparron. Cet ancien "anticlinal de Chine" (fig.14) semble même avoir été le siège de montée diapiriques, au moins dans le secteur d'Astoin (fig.5A).

B/ Au cours du Miocène moyen l'instauration du régime de sédimentation continentale coïncide avec l'accentuation de la déformation de la marge N du bassin de Valensole, qui se renverse alors progressivement, par un cisaillement vers le S. Celui-ci est considéré comme le prélude au détachement du front de la nappe, induit vraisemblablement par l'avancée de la tranche profonde de celle-ci qui ne constituait encore qu'un chevauchement non émergent ("blind thrust").

C/ Au Miocène supérieur la demi-fenêtre de Barles a été débordée par l'avancée du front de la nappe qui glisse dans la dépression du bassin, sur les conglomérats inférieurs de la formation de Valensole, après avoir franchi le reliefs structuraux créés sur la bordure nord du bassin au cours des étapes antérieures.

D/ Tardivement, vraisemblablement lors des derniers mouvements, d'âge fini-pliocène, le prisme délimité par la rampe profonde (constitué par l'essentiel du Trias, le Houiller et sans doute du socle cristallin) atteint Barles et bute sur le méga-crochon de l'unité de Chine qu'il repousse devant lui, provoquant une accentuation du serrage de l'autochtone de la demi-fenêtre de Barles (flèches horizontales) et, corrélativement, un surhaussement de la voûte de la demi-fenêtre (flèche verticale).

Les doubles demi-fléches symbolisent le cisaillement générateur des plis rétrodéversés qui affectent le Lias de la nappe, à l'aplomb du front de la rampe profonde (fig.8), par suite du blocage frontal de la tranche supérieure, post-triasique, de la nappe.