Maurice GIDON*
* - Rue des Edelweiss, 38500 - VOIRON, France
RÉSUMÉ - Une analyse détaillée de ce secteur à la fois exemplaire et classique apporte quelques précisions supplémentaires à la connaissance des dispositifs morphologiques aux marges des lobes de piedmont des glaciers alpins quaternaires. Elle lève aussi quelques ambigüités qui subsistaient dans le détail de l'interprétation et des corrélations chronologiques régionales. La grande finesse de l'enregistrement des étapes du retrait glaciaire, dans les secteurs où les conditions topographiques sont les plus favorables, permet de mettre en évidence la complexité du scénario de retrait et le fait que ce dernier n'est en général connu que sous une forme très simplifiée.
MOTS-CLÉS - Würmien, Géomorphologie, Bas Dauphiné.
WURMIAN PERIGLACIAL GEOMORPHOLOGY AND CHRONOLOGICAL CORRELATIONS INSIDE THE VOIRON AREA (BAS DAUPHINÉ, FRANCE).
ABSTRACT - A new detailed geomorphological analysis of this classical area is given and chronological correlations based upon it are discussed. It reveals that the history of the wurmian Isère glacier retirement is more complex than believed, because each main episode involves in fact several secondary steps. The way by which a simple morphology, with only one moraine ridge and its external terrace, is laterally modified in a complex one, with many moraine ridges and associated terraces, is described. It results mainly from erosional processes due to the greater proximity of the successive positions of the glacier front when it leaned on a steep bedrock slope.
KEY WORDS - Wurmian, Geomorphology, Bas-Dauphiné, France.
FIG.1 - Carte de situation.
1, 2, 3 sont les positions des langues glaciaires aux étapes du retrait du Würm II de numéro correspondant.
(N.B. la ligne 1 ne représente pas l'extension maximale du glacier mais son front au moment du 1° stade de retrait).
Les grosses lettres désignent les langues issues du lobe de piedmont du glacier du Rhône :
H = langue de l'Herbétan, A = langue de l'Ainan, F = langue de la Fure.
FIG.2 - Coupes schématiques de 4 systèmes morphologiques périglaciaires illustrés dans la région étudiée (dessins schématiques réalisés sans souci d'échelle) :
A. Système simple, correspondant à un glacier appuyé sur un bedrock fortement déclive. C'est sensiblement le schéma qui correspond à une coupe est-ouest des vallums de Chirens. Une coupe analogue mais avec érosion systématique des banquettes de retrait par les écoulements stadiaires se réalise lorsque la pente est encore plus forte, par exemple sur les pentes du Bois de Bavonne dominant La Murette.
B. Système élémentaire standard, correspondant à un glacier appuyé sur un bedrock peu déclive. Il s'agit du dispositif le plus schématique, à formes uniquement de marge glaciaire, avec une seule banquette et une seule crête morainique : n, n+1, n+2 et n+3 indiquent le mode de numérotation des intervalles dans l'ordre d'ancienneté décroissante.
C. Système plus complexe, proche de celui qui est réalisé à l'ouest de La Murette à l'intervalle 3. Il combine des formes de marge glaciaire à l'intérieur du vallum du retrait en cours et des formes fluviatiles à l'extérieur de ce vallum : les terrasses de creusement fluviatile "r" correspondent chronologiquement aux banquettes de retrait de la marge glaciaire "R" ayant le même numéro.
D. Système complexe, proche de celui qui est réalisé au nord-est de La Murette, à l'intervalle 3. Bien qu'il ne montre guère que des formes de marge glaciaire celles-ci, grâce à une pente de bedrock très faible, sont très "étalées" et montrent ainsi plusieurs sous-étapes.
Légende du codage des surfaces morphologiques :
Chaque notation comporte successivement deux informations :
1/ Le Numéro chronologique de l'intervalle interstadiaire. L'ordre des numéros est croissant dans le sens d'écoulement du temps : le numéro 1 correspond aux dépôts du maximum du Würm II. Ce numéro est le même que sur la feuille Grenoble (mais il est inférieur de 2 à celui de la feuille Voiron).
Dans le cas particulier des intervalles 3 et 4, qui peuvent être subdivisés en plusieurs sous-intervalles, les surfaces formées au cours de ces sous-intervalles sont notées n', n", n"', etc..., à condition toutefois que ces sous-intervalles soient distincts dans le secteur considéré.
2/ Le type de surface et l'épisode auquel elle appartient au sein de cet intervalle : il est indiqué par une lettre majuscule pour les surfaces d'origine glaciaire et minuscule pour les surfaces d'origine fluviatile, soit :
- pour un épisode de retrait :
"R" pour une banquette de retrait glaciaire et "r" pour une banquette d'ablation fluviatile (rives convexes de méandres).
- pour un épisode stadiaire :
"M" pour une crête de moraine et "s" pour une terrasse fluviatile construite.
Cette lettre est suivie d'un numéro si plusieurs épisodes successifs de même type peuvent être distingués dans l'intervalle.
FIG.3 - Carte des surfaces morphologiques du Voironnais occidental (vallée de la Fure, en amont de Rives).
Les petits triangles en marges est et ouest, en bas de carte, indiquent la position de la limite des feuilles Voiron (au nord) et Grenoble (au sud).
La légende des notations est celle de la fig.2.
FIG.4 - Reconstitution cartographique des tracés successifs du cours de la Fure, au cours des étapes de retrait des intervalles 2 et 3.
La migration vers l'aval des méandres est particulièrement bien perceptible au nord-ouest de Petit Voye.
Au sud-ouest de Grand Voye le premier épisode de retrait 3R1 s'accompagne du franchissement de la crête morainique 2M par le cours de la Fure (qui contournait précédemment cette moraine, par le sud-ouest, au stade 2s) : les tracés des épisodes successifs de l'intervalle 3 témoignent de la présence en ce point d'un "noeud" d'entrecroisement de méandres qui est sans doute lié au franchissement de cet obstacle qui a du rétrécir la vallée pendant assez longtemps.
FIG.5 - Deux profils topographiques dans la vallée de la Fure
A - Portion supérieure de la vallée de la Fure, en amont du coude de Bonpertuis.
Les surfaces de chacune des deux rives sont projetées sur une même coupe passant selon l'axe moyen, nord-sud, de la vallée. L'échelle des hauteurs est exagérée 10 fois pour avoir une représentation assez précise des pentes (celles-ci n'atteignent en réalité que des valeurs de quelques unités pour mille). Ce sont les terrasses de rive droite, qui se poursuivent vers l'ouest jusqu'au delà d'Apprieu, (tiers gauche de la coupe : trait plus gras) qui servent de base de référence pour la numérotation chronologique. En effet elles sont parfaitement calées sur la succession d'évènements reconnaissables dans la marge du glacier isérois et, de plus, on en observe une large surface, suffisante pour bien pouvoir en préciser la pente.
On a simplement localisé les principaux témoins morainiques du lobe de la Fure (par un tireté bombé et des pointillés) sans pouvoir les représenter de façon significative. Les deux principaux points de coordination avec la langue de l'Ainan, en rive gauche de la Fure, savoir la terrasse supérieure du Cueun et le débouché du chenal Garangère-Contamine, sont aussi figurés.
B - Portion inférieure de la vallée de la Fure et amphithéâtre de Chirens
La surface de référence fondamentale est celle de la terrasse marginale de Petit Voye (2s) ; elle est, pour cette raison, soulignée en gras.
La coupe est parallèle à la vallée morte de Bavonne et au cordon morainique 2M, donc perpendiculaire à la vallée supérieure de la Fure et aux moraines de l'amphithéâtre de Chirens. Elle fait apparaître avec une grande évidence la nécessité d'attribuer la moraine des Brosses au stade 2M et de rattacher la moraine de Garangère au stade 1M (et non à 2M comme admis sur la feuille Voiron).
FIG.6 - Carte des surfaces morphologiques périglaciaires des environs de Voiron
La légende est celle de la fig.2 et les figurés sont les mêmes que sur la fig.3. La marge gauche de cette carte est commune avec celle de droite de la figure 3. Les petits triangles en marges est et ouest, en bas de carte, indiquent la position de la limite des feuilles Voiron (au nord) et Grenoble (au sud).