Chirens |
Chirens occupe l'ombilic* d'une vallée creusée par une langue du glacier rhodanien, qui descendait le Val d'Ainan du NE vers le SW, c'est-à-dire à contresens de son drainage actuel.
Un vallum* spectaculaire ferme cet ombilic du côté sud-ouest (Clermont, La Garangère).
Ce vallum a toutefois été tranché, du côté sud, par les écoulements provenant du lac du Crossey (au stade 2). Ceux-ci, joints aux eaux de fonte de la langue de l'Ainan (qui s'y écoulèrent aussi au stade 3), ont creusé en rive gauche, contre la montagne de Bavonne, une belle vallée morte qui court depuis le hameau du Gayet jusqu'à Bonpertuis, où ses eaux se jetaient dans celles de la Fure.
Dans la zone "surcreusée" de l'ombilic de Chirens, entre le chef-lieu et L'Arsenal, a longtemps subsisté un lac qui s'est progressivement comblé d'alluvions et de tourbe.
texte (dû à l'auteur du site) paru dans le quotidien "Dauphiné Libéré" en 1962 :
Le milieu acide des tourbières est particulièrement
favorable à la conservation des pollens et des spores qui
viennent s'y abattre après transport par le vent L'étude
de ces restes fossiles. récoltés aux différents
niveaux du sous-sol de la tourbière de Chirens a été
réalisée en 1952, dans le cadre d'une étude
portant sur l'ensemble des Alpes françaises, par Jeanne
Becker. Les résultats exposés par cet auteur permettent
de retracer l'histoire de la végétation au cours
des 14 000 dernières années.
De 12.000 à 10.000 ans avant J C., c'est-à-dire
dans la période qui suivit le retrait des glaciers apportés
par la dernière grande glaciation (dite " de Würm
"), le sol était recouvert de prairies à graminées,
armoises, hélianthèmes, épinards sauvages,
illets et saponaires (steppes). Le travail de creusement des glaciers
avait conduit a la formation, entre Chirens et le lieu-dit l'Arsenal,
d'une zone basse où les eaux se rassemblaient pour donner
un lac de 2 km. de long sur 500 m. de large. Dans ce lac vinrent
alors s'accumuler des vases provenant du lessivage des dépôts
argileux laisses par les glaciers: ces vases ont été
rencontrées à la profondeur de 7,6 mètres
et plus.
De 10.000 à 6.500 avant J. C. on assiste à l'envahissement
de l'ancienne steppe par une forêt de bouleaux ou de pins.
A la même époque, l'activité des êtres
vivants peuplant les eaux du lac (moules d'eau douce, limnées,
animaux et plantes microscopiques, notamment algues du groupe
des Desmidiées) aboutit à la formation de dépôts
calcaires crayeux qui se rencontrent maintenant entre 7,6 et 2,7
m. de profondeur.
Au début, domina le bouleau puis ce fut le tour du pin
sylvestre; cependant de 9 000 à 8.500 avant J .C. la forêt
dût régresser quelque peu, au profit des prairies,
par suite d'un abaissement de la température.
A partir de 6 500 avant J C s'installent coudriers et chênes
suivis par les ormes, tandis que le climat redevient plus doux
(" type atlantique ") : le pin disparaît d'abord
en grande partie et, après I'installation des ormes, ceux-ci
sont bientôt supplantés par les chênes et les
coudriers. Enfin ces derniers disparaîtront assez vite,
vers 3.000 avant J. C. pour faire surtout place à la multiplication
des tilleuls et aussi des sapins.
Dès 5.000 avant J. C. le lac, qui s'était progressivement
comblé par les dépôts crayeux et qui avait
d'abord été colonisé sur ses rives par des
herbes de marécages (Carex, Linaigrette) sera envahi par
les mousses de tourbières Les cadavres de celles-ci forment
maintenant la tourbe qui a été rencontrée
par le sondage sur 2.7 m de profondeur. On doit noter, également,
à cette époque, l'apparition des fougères,
qui, ne disparaîtront plus à l'avenir
Entre 2.500 et 600 avant J. C vont se développer des forêts
de hêtres et de sapins. Chêne, peuplier, bouleau et
épicéa restent peu nombreux à cette époque.
Enfin, de 500 avant J C à nos jours, époque du comblement
définitif du lac, on observe une "diversification"
des forêts, par suite des activités humaines : déboisements
et, par suite, développement du coudrier et des plantes
de prairies; introduction du noyer et développement des
chênaies. L'épicéa, si prédominant
de nos jours au-dessus de 800 m. ne réussit pas à
prendre le pas ici sur les autres essences ; les fougères
continuent a laisser partir au vent une grande abondance de spores,
qui se retrouvent dans la tourbe.
L'auteur de cette étude, qui a pu distinguer, dans toutes
les Alpes, 7 phases (brièvement évoqués ci-dessus)
pour l'évolution du peuplement végétal, met
en vedette les résultats obtenus au cours du sondage pratiqué
dans la tourbière de Chirens en soulignant que c'est là
qu'ont été obtenus les renseignements les plus complets
sur le déroulement de cette histoire paléobotanique.