Les formes de relief des chaînes plissées |
L'étude des formes de relief liées aux dispositions structurales est le domaine de la "géomorphologie structurale".
Un schéma résume avantageusement la terminologie relative aux principales formes de relief d'origine structurale rencontrées dans les régions plissées.
La moitié droite se rapporte plutôt à celui de la Chartreuse orientale caractérisé par une inversion de relief plus poussée et par la plus grande surface qu'occupent les niveaux marneux dénudés par l'érosion (ici les calcaires du Fontanil font morphologiquement partie intégrante de ces derniers).
L'influence des structures sur la formation
du relief découle de la nature des roches et de leur situation,
qui conditionnent l'efficacité de l'érosion.
- Les roches les plus résistantes sont celles qui sont
le plus cohérentes, c'est à dire celles dont les
grains et/ou les strates sont le mieux soudées.
- Les roches les plus exposées à l'érosion
sont celles qui sont portées en saillie par la tectonique
(voûtes des anticlinaux et lèvres supérieures
des chevauchements).
Il faut attirer l'attention sur le fait qu'il
est important de bien faire la distinction entre la notion de
structure tectonique, dans laquelle seule compte la
géométrie plus ou moins compliquée de l'ensemble
des couches, et celle de relief structural, qui
s'intéresse au résultat de l'érosion sur
quelques unes seulement de ces couches.
C'est ainsi qu'un val* n'est pas un synclinal mais le résultat
du dégagement plus ou moins parfait de l'une des surfaces
de couches de la pile stratigraphique qui est ployée
par un synclinal. Il est donc erroné, bien que coutumier,
de parler de "synclinal perché"
pour désigner une portion de val isolée par l'érosion
: on devrait dire un val perché.
Cette distinction est particulièrement souhaitable lorsque l'on raisonne sur la disposition dans l'espace de l'un ou l'autre des éléments d'une structure tectonique. C'est ainsi que l'orientation d'un crêt* est le plus souvent notablement différente de celle du flanc de pli dans lequel ce crêt est entaillé (ceci en fonction de la disposition du rebord de l'entaille, qui n'est jamais parfaitement horizontale et souvent très inclinée, ce qui lui donne une forte obliquité par rapport à l'azimut des couches).
On appelle inversion du relief le fait que les vallées coïncident avec les zones bombées de la structure, et les crêtes avec les zones structuralement déprimées (synclinaux). L'exemple le plus beau en est donné par la partie orientale du massif de la Chartreuse.
L'inversion du
relief s'explique simplement par le fait
que, lorsque le niveau moyen atteint par l'érosion s'est
progressivement abaissé, c'est à la voûte
des plis anticlinaux que la carapace résistante la plus
superficielle, formée ici par l'Urgonien, s'est trouvée
exposée en premier aux atteintes de l'érosion.
Ceci est surtout vrai si l'érosion a agi par aplanissement,
comme cela semble avoir été le cas, au moins au
cours d'un épisode de son action (voir à la page
"reliefs
non structuraux").
Dès que cette carapace a été crevée,
les terrains plus tendres sous jacents, ainsi mis à nu,
ont été évidemment le siège d'un affouillement
accéléré : c'est donc alors le long de bandes
nord-sud, correspondant chacune à un anticlinal ("combes"), que l'érosion a progressé
le plus. Elle l'a d'ailleurs sans doute fait à la fois
vers le nord et vers le sud, par installation d'affluents latéraux,
à partir de vallées initiales orientées est-ouest,
tandis que ce dernières s'encaissaient transversalement
aux plis, les traversant en "cluses".
Une butte témoin est un fragment
d'un banc résistant, isolé par l'érosion
et entouré de toutes part à son pied par des affleurements
des niveaux inférieurs.
Exemples de buttes témoins : l'aiguille
de Quaix, le Corbeley.
Dans les régions plissées les
buttes témoins sont en général formées
par des bancs inclinés car ils appartiennent à des
flancs de plis : on les nomme alors "volets".
Exemples de volets : la Pinéa,
Chamechaude,
etc...
Les buttes témoins des régions plissées peuvent aussi être formés par le fond d'un synclinal et constituer un synclinal perché.
Une reculée est, à l'inverse, la terminaison en cul de sac d'une vallée entaillée en gorge, en contrebas des falaises d'un banc résistant. C'est une forme de relief plus commune dans le Jura et le Vercors que dans la Chartreuse où l'on n'en rencontre pas de véritablement typique.
Ce sont les termes employés pour désigner les reliefs "conformes", respectivement en creux (vallée correspondant à un synclinal) ou en bosse (échine correspondant à un anticlinal)
exemples de monts : La crête de Plénouze et l'échine des gorges de Cognin et de Montchardon, en Vercors. La crête de Bostan en Haut-Giffre (il n'y a en Chartreuse que des Monts "dérivés", cf plus loin).
exemples de vals : Le vallon de Tenaison, de part et d'autre du col de la Charmette ; Le val de Lans et celui de l'Achard, en Vercors.
- Crêts
Il s'agit de crêtes rocheuses dont un
versant est incliné parallèlement aux couches et
dont l'autre (plus abrupt) tranche perpendiculairement les couches.
exemples de crêts : les Lances
sud de Malissart, la crête de Gleysin à la Roche Veyrand,
etc...
N.B. dans les régions où les couches ont été moins basculées qu'en Chartreuse (pente ne dépassant pas 20°) les crêts sont encore plus dissymétriques, avec une très longue pente douce inclinée comme les couches. Ils sont alors appelés "cuestas".
Si l'inclinaison des couches est au contraire très forte (approchant de la verticale) c'est théoriquement le terme de "barre rocheuse" qui devrait être employé, mais ce dernier est souvent utilisé pour désigner un simple ressaut dans une pente, ce qui est plus précisément une "corniche".
- Combes : vallées parallèles
aux barres rocheuses, dominées par un ou deux crêts.
Le qualificatif de "monoclinale" s'applique à
une combe dont les deux crêts
bordiers ont le même pendage. Les exemples en sont multiples
(c'est une forme de relief très commune).
Ce terme de" "monoclinal" ne doit pas être confondu avec celui d'"isoclinal" employé en tectonique pour qualifier des plis très fermés, dont les deux flancs sont sensiblement inclinés de la même façon.
Une combe anticlinale est bordée de
ceux crêts à pendages divergents.
Les beaux exemples, tel en Chartreuse la vallée
de Corbel, ne sont pas si nombreux que cela, car beaucoup
de combes anticlinales sont partagées en deux combes monoclinales
par le dégagement d'un mont dérivé.
Un exemple très schématique de combe anticlinale est donné, en Maurienne, par la Combe Génin. Il est cependant caricatural car cette combe n'est là qu'un ravin. Cela est d'ailleurs lié au fait que le pli qu'elle éventre possède un axe très incliné.
- Cluses : portions de vallées
transversales aux barres rocheuses
Exemples : La Cluse de la Balme (avant-pays savoyard)
On peut imaginer que l'emplacement d'une cluse
correspond à une faiblesse de la barre rocheuse qu'elle
traverse (faille transversale, par exemple) ou à son effacement
(abaissement d'une voûte anticlinale).
En fait il semble très souvent qu'elle se soit inscrite
là sans raison particulière, en "surimposition",
par simple enfoncement sur place de la rivière à
partir d'un cours ancien dont le tracé n'était pas
influencé par la structure plissée. C'est en tout
cas ce qui s'observe pour toutes les cluses de Chartreuse et pour
la majorité de celles des massifs subalpins septentrionaux.
Chevrons, "V topographiques"
La disposition qualifiée de V topographique doit son nom au dessin qu'affecte, vu d'en haut et sur les cartes, l'arête d'un crêt, lorsqu'elle est entaillée (plus ou moins transversalement) par une vallée ou un ravin. Cela concerne également le dessin cartographique des barres rocheuses qui courent à flanc d'une pente.
La ligne faîtière du crêt (ou la ligne de
ressaut de la barre rocheuse) décrit alors, au flanc de
la vallée qui le tranche, un rentrant qui est dirigé
dans le sens du pendage de ses couches. Deux tracés presque
symétriques se dessinent donc sur l'un et l'autre des flancs
de la vallée. Ils se rejoignent en fond de vallée
en dessinant un V plus ou moins aigu, qui se voit spécialement
bien dans certaines cluses. Ce "V"
pointe vers l'aval, si la vallée est inclinée dans
le même sens que le pendage des couches (avec une pente
moins forte, ce qui est le cas général). Il pointe
vers l'amont dans les cas inverses (pendages de sens opposés
ou ravines à forte pente).
En corollaire les crêtes transversales entre deux vallées
parallèles coupant un crêt sont le siège d'un
dessin en V qui pointe, dans le cas général vers
l'aval de l'arête qui intersecte le crêt.
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Si cette disposition se répète par le jeu d'entailles parallèles, il en résulte un dessin en chevrons qui mime, sous certaines perpectives, celui de plis anguleux.
On trouvera de
beaux exemples de chevrons dans les pages suivantes : Rouinon et Nibles (section Gap-Digne), Rive gauche du Ferrand (section Oisans), Cédéra (section Oisans). |
Ces "faux-plis" constituent les cas
les plus simples et les plus fondamentaux des pièges qui
sont tendus au débutant dans la lecture structurale des
paysages.
D'autres cas plus complexes à analyser sont ceux relatif
à la forme apparente des véritables plis, que l'intersection
avec la topographie a toujours tendance à caricaturer,
par le fait que cette intersection n'est que rarement perpendiculaire
mais presque toujours oblique à leur axe (une bonne coupe
de plis à axes faiblement inclinés ne peut être
espérée que dans des versants très abrupts)
: le dessin du pli est en général étiré
selon la direction de son axe, ce qui a pour résultat que
des plis simplement déversés peuvent prendre l'apparence
de plis couchés.
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exemple de faux pli-couché dans la page "crête des Selles" (section Dévoluy) |
Ces remarques, notamment celles relatives à la notion de "V" topographique, s'appliquent aussi au tracé d'objets structuraux le plus souvent moins visibles dans le paysage, tels que les surfaces de failles et les plans axiaux des plis. L'inflexion et la sinuosité que décrivent les tracés de ces derniers (souvent désignés par erreur comme "axes" des plis), sur les cartes structurales, n'a souvent pas d'autre origine (et ne traduit alors aucune torsion tectonique).
On ne peut que souligner l'importance qu'il y a de reconnaître et de comprendre ces dispositions morphologiques pour ne pas faire d'erreur dans l'interprétation tectonique.
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Reliefs inversés : synclinaux perchés et
combes anticlinales
Il s'agit respectivement de crêtes qui coïncident avec des zones déprimées de la structure (= synclinaux) et de vallées qui coïncident avec des zones bombées de la structure (= anticlinaux). Lorsqu'il ne subsiste que l'un des flancs du synclinal on parle de "volet".
Le terme de "synclinal perché" est d'ailleurs fort mal choisi car il entretient une confusion trop commune entre formes tectoniques et formes de relief : on devrait parler de "val perché".
exemples de reliefs inversés dans
le massif de la Chartreuse :
Les hauts
vallons suspendus de la Chartreuse orientale (synclinaux
perchés)
La vallée
de Corbel (combe anticlinale)
La dépression des trois cols : Granier, Cucheron, Porte
(combe anticlinale accidentée d'un mont dérivé
axial)
- Les formes dites dérivées
sont celles qui résultent de la mise à nu d'une
seconde carapace résistante, relativement profonde. Cela
se produit lorsque, après érosion de la carapace
protectrice la plus haute les couches plus tendres sous-jacentes
sont profondément déblayées.
En Chartreuse cette seconde carapace est en général de celle du Tithonique, mais ce peut être parfois aussi celle des calcaires du Fontanil (surtout en Chartreuse occidentale).
exemples de monts dérivés : La Scia, le Colleret, La Fitole (ouest du couvent de la Grande Chartreuse).
Les chevauchements de grande ampleur, ou charriages, s'accompagnent de quelques formes de relief spécifiques :
"klippe", "fenêtre"
Ces termes sont utilisés pour désigner des formes de relief liés aux chevauchements et notamment à ceux de grande importance que sont les charriages de "nappes" rocheuses.
Une "klippe" est une butte témoin où la partie saillante appartient à une tranche de roches (qui a été enlevée par l'érosion partout alentour) amenée par des mouvements tectoniques (c'est un fragment résiduel d'une nappe) : de ce fait elle est le plus souvent formée de terrains d'âge plus ancien que ceux situés en dessous.
Une "fenêtre" est l'équivalent d'une boutonnière, avec cette particularité que l'ouverture que l'érosion a pratiqué dans la carapace rocheuse respectée alentour laisse voir des terrains plus récents. Cela vient de ce que cette carapace appartient à une nappe et que l'érosion montre ainsi le substratum sur lequel le charriage l'a traînée.
Exemples à l'échelle
de l'arc alpin.
Voir aussi l'article "nappes
de charriage"
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