Massif du Haut Giffre au sens large (Sixt - Platé)
Aperçu géologique d'ensemble


Le massif du Haut Giffre (également appelé "Haut Faucigny") se rattache aux massifs subalpins et ses plis prolongent ceux des Bornes tout en se poursuivant vers le nord-est, en Suisse, dans le domaine des nappes helvétiques, que coupe la vallée du Rhône. Il doit son nom à la rivière qui le draine, dont le lit est d'altitude modeste (750 m à Sixt), ce qui crée de fortes dénivelées. La profondeur de son entaille est assez marquée pour y séparer assez nettement deux groupes montagneux :
- celui de Platé, au sud-ouest, est assez peu disséqué par l'érosion. Ses reliefs nord-occidentaux sont sculptés dans les grès du Nummulitique, qui y cachent la carapace de calcaires urgoniens, enduits superficiellement de Sénonien et de calcaires nummulitiques. L'érosion a, au contraire, dégagé la surface de ces couches en vastes dalles dans sa partie méridionale, mais ne les entaille guère que sur les marges méridionales et occidentales du massif (cluse de l'Arve).
- celui de Sixt - Fer à Cheval, au nord-est, est beaucoup plus profondément entaillé, surtout dans sa partie située à l'est du cours supérieur du Giffre. Il est principalement formé d'alternances argilo-calcaires du Jurassique et du Crétacé inférieur, que l'érosion à plus capricieusement découpé en crêtes, ravines et longues falaises calcaires.

 stratigraphie du Haut Giffre Étapes de la déformation tectonique  la Nappe de Morcles en France 
 Structure du massif

Vue d'ensemble du massif du Haut Giffre
Vue prise d'un avion de ligne (altitude voisine de 8000 m), depuis l'aplomb de Megève. version plus grande, muette, de cette image
La vallée du Giffre entaille profondément le massif en séparant le groupe montagneux de Platé, qui culmine au Grand Colonney, de celui entourant le Fer à Cheval, en amont de Sixt.
ØP = surface de chevauchement des nappes des Préalpes ; ØM = surface de chevauchement de la nappe de Morcles (limite entre le socle cristallin et sa couverture sédimentaire "helvétique")
La vallée de l'Arve et le massif de Platé
vus de l'est, l'hiver, depuis l'aplomb des Houches.

La structure de ce massif est essentiellement gouvernée par un système de plis couchés (ou fortement déversés), combinés avec des failles de chevauchement presque parallèles aux couches. La géométrie de ce dispositif tectonique traduit au total un déplacement en cisaillement vers l'ouest de la pile de couches par rapport au socle cristallin du massif des Aiguilles Rouges, tangentiellement à l'interface socle-couverture. Sa formation est certainement liée au déplacement de la nappe de Morcles dont la surface de chevauchement peut être suivie, du nord vers le sud, jusqu'aux approches de la vallée de l'Arve, peu au dessus de la surface du socle cristallin.
Il s'avère, en outre, que le dispositif de chevauchements s'est superposé, en l'utilisant, à un système antérieur de failles extensives anté-Nummulitiques, qui sont encore reconnaissables malgré les effets de la déformation en cisaillement tangentiel et dont le rôle a été capital pour déterminer la géométrie finale du dispositif.

La coexistence, aux divers niveaux de l'édifice, de ces deux types d'accidents, cassures et plis souples de type semblable*, qui traduisent deux types très différents de comportement des roches devant les efforts tectoniques, pose question.
Cela suggère, à première vue, que ces deux types de structures se soient formés au cours de deux étapes distinctes (d'abord les plis, ensuite les failles).
En fait la formation des chevauchements est totalement compatible avec le plissement, car ce ne sont pas ces chevauchements qui ont produit la fracturation des niveaux calcaires (ils n'ont fait que décaler horizontalement les tronçons des failles anté-nummulitiques, préexistantes). Les surfaces de chevauchements correspondent à une concentration, sur un plan de glissement privilégié (dont la position est simplement déterminée par la présence de failles antérieures), du mouvement de cisaillement général de la couverture (ailleurs plus réparti sur toute sa hauteur). Ce cisaillement s'est fait dans une ambiance d'incompétence* de tous les niveaux, y compris les plus calcaires, ce qui permettait leur plissement par glissement-aplatissement.

Cet édifice structural est enfin affecté par des plis à grand rayon de courbure et à plan axial subvertical (anticlinal des Platières, synclinal de Platé, synclinal du Criou), dont les axes ont une direction très proche de celle des plis couchés ou déversés (cette direction tourne d'ailleurs, depuis N50°, au sud-ouest, jusqu'à N60°, au nord-est, conformément à la virgation générale des plis des Bornes).

Ces grandes ondulations sont, comme les plis de moindre taille, obliques à la voûte anticlinale du massif des Aiguilles Rouges (qui culmine à l'aiguille du Belvédère), ainsi qu'au synclinal de Serraval, dont les axes sont l'un comme l'autre orientés plutôt N40°. Ils ne se rattachent donc vraisemblablement pas, à l'inverse de ces derniers, à la phase P3, des ondulations tardives liées au soulèvement des massifs cristallins externes, mais plus probablement à la phase P2, des plis majeurs. Ils expriment une dysharmonie* de plissement qui traduit sans doute le fait que l'empilement des plis et des chevauchements aboutit, selon les points considérés de la transversale à ces plis, à un surépaississement plus ou moins important de la pile des couches (c'est-à-dire à la formation de ce que les anglophones appellent des "antiformal stacks").

Il faut enfin préciser que les plis du Haut Giffre prolongent à l'évidence ceux des Bornes - Aravis, y compris pour les plus septentrionaux d'entre eux (anticlinal du Bargy, notamment). En ce qui concerne ces derniers toutefois, la continuité est moins évidente, car, entre Cluses et Samoëns, ils disparaissent sous les nappes préalpines. Ceci résulte de ce qu'ils y subissent un ensellement, en forme de synclinal transverse à l'axe des plis, que suit à peu près le cours de la vallée moyenne du Giffre.

C'est dans la cuvette déterminée par la rencontre entre cet ensellement et le grand synclinal de Serraval que se trouvent conservés, en klippe, les témoins des nappes d'origine interne qui constituent le massif du Chablais. L'entaille de la vallée du Giffre a détaché de ce massif la petite klippe de Morillon qui coiffe l'échine séparant le Giffre de l'Arve.


Un excellent aperçu de cette structure est donné par la coupe naturelle de la Cluse de l'Arve, qui intéresse la partie sud-occidentale du massif (ou massif de Platé). Elle ne diffère que par des nuances de celle de la partie nord-orientale (ou massif de Sixt) où se prolongent les mêmes structures.

Coupe synthétique de la partie méridionale du massif de Sixt version plus grande de cette image
Cette coupe d'ensemble est allégée de nombreux détails, afin de bien montrer les thèmes majeurs de la structure. Elle est basée sur la coupe naturelle de la cluse de l'Arve, qui fournit la clé de toute la tectonique du massif.
Les différentes localités indiquées ne sont pas toutes situées sur ce transect, beaucoup se situant nettement plus au nord (leurs noms sont mis entre crochets), d'autres sur une transversale plus méridionale (leurs noms sont mis entre parenthèses). La position qui leur a été attribuée correspond seulement à leur situation dans l'édifice tectonique.

Pour les détails de la légende se reporter à la page "massif de Platé".


Un résumé du déroulement des évènements tectoniques majeurs qui ont abouti à la structure actuelle est donné par le schéma ci-après :

 

Étapes successives de la déformation
dans les massifs subalpins septentrionaux (et plus précisément dans le Haut-Giffre) 

NB : dans chaque étape ne sont représentées (de façon d'ailleurs symbolique et très schématique), que les déformations qui la caractérisent (sans reproduire le dessin des déformations antérieures, auxquelles elle viennent se superposer).

4 - plis à très grand rayon de courbure associés à la surrection des blocs de socle cristallin.

3 - formation des plis majeurs, en liaison probable avec une poursuite du cisaillement de la pile de strates.
C'est probablement alors que, dans l'hémigraben de Chamonix (ouvert au Jurassique) se forment des plis serrés qui s'expulsent vers le haut et y sont cisaillés en plis-couchés.

2 - cisaillement de la pile de strates, parallèlement à l'interface socle - couverture : formation de chevauchements par déformation de failles anciennes

1 - Fracturation extensive au Crétacé supérieur et au début du Nummulitique.

figure agrandissable


Plus de détails sur l'organisation structurale

 Massif de Platé
 

 Massif de Sixt proprement dit

Carte géologique de l'ensemble Chablais - Sixt / Coupes selon la vallée du Rhône (entre le Léman et Sion)
Carte structurale simplifiée des rapports entre plis de Bornes et du Haut Giffre
Principaux types de structures tectoniques
l'origine des déformations des chaînes subalpines septentrionales

Les massifs de Sixt et de Platé sont excellement décrits dans l'ouvrage suivant :
Itinéraires à travers paysages et roches du Mont-Blanc et du Haut-Faucigny, par Michel DELAMETTE / Éditions GAP, Collection Nature, 1993.

Parcours géographique du massif

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CHABLAIS-SIXT
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